Nous contacter
Alison Sales Kanta
Une question sur Kanta ?  👋
Nous serons ravis de vous répondre.
Accueil
Guides
Le secteur de l’art face à la lutte anti-blanchiment (LCB-FT)
Gagnez du temps sur vos obligations LAB
Réserver une démo
Partager
lutte-anti-blanchiment
4
min de lecture

Le secteur de l’art face à la lutte anti-blanchiment (LCB-FT)

Un marché florissant, mais sous haute surveillance

Avec près de 4,6 milliards de dollars de ventes en 2023, la France demeure un acteur majeur du marché mondial de l’art.
Mais derrière cette vitalité se cache un secteur où les flux financiers sont parfois difficiles à tracer. En 2024, une enchère record à plus de 20 millions d’euros illustrait encore l’ampleur de ces montants.

Ce contexte fait du marché de l’art un terrain propice au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme (LCB-FT).

Un cadre juridique renforcé

Depuis la cinquième directive anti-blanchiment (30 mai 2018, entrée en vigueur le 10 janvier 2020), le périmètre des professions soumises à la LCB-FT s’est élargi.
L’article L.561-2 du Code monétaire et financier vise désormais :

  • Les personnes qui négocient, entreposent ou servent d’intermédiaires pour des œuvres d’art ou des antiquités, dès lors que la transaction atteint 10 000 € ou plus ;
  • Les professionnels exerçant dans des ports francs ou zones franches pour des montants équivalents.

Autrement dit, les galeries d’art, antiquaires, maisons de ventes et courtiers sont pleinement concernés par le dispositif TRACFIN.

Un écosystème complexe et hétérogène

Le marché de l’art se compose de deux grands circuits :

  • Les ventes non réglementées, qui regroupent les antiquaires, brocanteurs et galeries d’art (soumis à simple déclaration en préfecture).
  • Les ventes réglementées, assurées par les sociétés de ventes volontaires (SVV) et les commissaires-priseurs judiciaires, encadrées par le Code monétaire et financier.

Ces acteurs sont considérés comme professions non financières et doivent se conformer aux exigences de TRACFIN.
Parallèlement, les ventes entre particuliers via les plateformes en ligne (C2C) échappent encore largement à la surveillance, bien que les montants y soient généralement plus faibles.

Les principales vulnérabilités du marché de l’art

Un objet d’art est une marchandise idéale pour le blanchiment : il conserve sa valeur, se transporte facilement et peut changer de main sans contrôle bancaire.

Plusieurs facteurs accentuent ce risque :

  • Les paiements en espèces encore fréquents ;
  • L’absence d’obligation universelle de tenir un registre des objets mobiliers (ROM), notamment pour les galeries d’art contemporain ;
  • Le trafic d’antiquités issues de zones en conflit, permettant de recycler des fonds illicites ;
  • La volatilité des prix des œuvres, qui facilite la dissimulation de transactions anormales.

Le Conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment (COLB) souligne que ces spécificités rendent le secteur particulièrement perméable aux opérations suspectes.

Les failles les plus fréquentes

L’Analyse Nationale des Risques (ANR) publiée par le COLB met en avant plusieurs manquements récurrents :

  • Absence de procédures internes de LCB-FT ;
  • Registres ROM non tenus ;
  • Transactions réalisées via des ports francs étrangers ;
  • Opérations multiples dépassant 10 000 € sans contrôle adéquat.

Les acteurs du secteur de l’art sont encore peu mobilisés pour faire face à leurs obligations. Selon le rapport LCB-FT : activité des professions déclarantes - Bilan 2023 de TRACFIN, ces acteurs économiques ont réalisé en moyenne moins de 92 déclarations de soupçons entre 2021 et 2023. Or, une forte augmentation est notable.

Pour autant, ils doivent effectuer des procédures de diligence raisonnable sur les clients. Cette vulnérabilité fait écho sur l’expert-comptable d’un client du secteur de l’art.

Les obligations des professionnels de l’art

Les obligations LCB-FT s’articulent autour de quatre piliers : vigilance, déclaration, formation et réaction.

1. La vigilance et l’identification

Avant d’entrer en relation d’affaires, le professionnel doit :

  • Identifier le client et, le cas échéant, le bénéficiaire effectif ;
  • Évaluer le risque en fonction de la nature du bien, du montant et du territoire ;
  • Vérifier la cohérence entre le profil du client et l’opération envisagée ;
  • Conserver l’ensemble des documents pendant 5 ans après la fin de la relation.

Cette démarche de connaissance client (KYC) est la première ligne de défense contre le blanchiment.

2. La déclaration de soupçon

Toute transaction suspecte doit être déclarée à TRACFIN (article L.561-15 CMF).
Le doute légitime suffit : il n’est pas nécessaire d’apporter une preuve du caractère illicite.

L’article L.561-15 du CMF précise que toute opération présentant un caractère suspect doit faire l’objet d’une déclaration auprès de TRACFIN. A défaut, les professionnels s’exposent à des sanctions financières et disciplinaires.

Cette obligation s'applique à toutes les transactions qu'ils soupçonnent être d'origine illicite, notamment dans les cas suivants :

  • Si les fonds versés par l'acheteur semblent d'origine suspecte ;
  • Si la nature de la transaction paraît incohérente par rapport aux pratiques du marché de l'art.

La déclaration peut être réalisée même en l'absence d'éléments de preuve quant à l'illégalité présumée, dès lors qu'il existe un doute légitime.

3. La formation et la sensibilisation

Les collaborateurs doivent être formés pour identifier les signaux d’alerte et appliquer les procédures internes.
La conformité dépend largement de leur capacité à reconnaître les situations à risque.

4. En cas de doute

Si le professionnel ne parvient pas à vérifier l’identité du client ou l’origine des fonds, il doit :

  • Refuser la transaction,
  • Alerter TRACFIN
  • Et, si nécessaire, mettre fin à la relation d’affaires.

Contrôles et sanctions

Les contrôles sont assurés par l’administration des douanes et la Commission nationale des sanctions (CNS).
En cas de manquement, les sanctions peuvent être lourdes :

  • Interdiction temporaire ou définitive d’exercer ;
  • Amendes pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros ;
  • Publication des sanctions dans les médias professionnels ;
  • Responsabilité pénale en cas d’omission délibérée.

Les décisions rendues en 2023 (CNS n°2022-40 et n°2022-42) rappellent la rigueur des autorités face aux manquements de vigilance ou de déclaration.

Le rôle stratégique de l’expert-comptable

L’expert-comptable, partenaire privilégié de l’entreprise, joue un rôle clé dans la prévention du risque de blanchiment.
Face à un client exerçant dans le secteur de l’art, il doit adopter une vigilance renforcée et s’assurer de la cohérence des opérations.

Cela implique notamment :

  • L’identification précise du client et de ses bénéficiaires effectifs ;
  • L’analyse de la cohérence des prix pratiqués par rapport au marché ;
  • Le suivi des flux financiers, en particulier pour les transactions transfrontalières ;
  • L’examen approfondi de l’origine et de la destination des fonds.

Mais son rôle dépasse le contrôle : au titre de son obligation de conseil, l’expert-comptable doit aussi accompagner et sensibiliser son client.
Il peut ainsi proposer la mise en place de procédures internes, former les collaborateurs, et valoriser une mission complémentaire à forte valeur ajoutée.

Cas pratique : quand déclarer à TRACFIN ?

Un expert-comptable collabore avec une maison de ventes aux enchères.
En analysant les comptes, il remarque plusieurs opérations inhabituelles dont les justificatifs d’identité et d’origine des fonds sont incomplets.
Dans ce cas, il doit effectuer une déclaration confidentielle à TRACFIN, sans en informer le client, conformément à son obligation légale.

S’il néglige cette démarche, il s’expose lui-même à des sanctions administratives, disciplinaires et pénales.

En résumé

Le marché de l’art combine passion, valeur et vulnérabilité.

Ses acteurs doivent conjuguer leur activité commerciale avec un haut niveau de conformité.
Pour les experts-comptables, il s’agit d’un champ d’intervention stratégique où le conseil et la vigilance se rejoignent.

💡 À retenir :

  • Une transaction supérieure à 10 000 € doit faire l’objet d’une vigilance accrue.
  • La méconnaissance des obligations TRACFIN n’exonère pas de responsabilité.
  • L’accompagnement par un expert-comptable est un atout majeur de conformité.

Pour aller plus loin

Découvrez comment Kanta facilite la gestion de vos obligations LCB-FT grâce à son module dédié : questionnaire client, classification des risques, traçabilité et archivage automatisé.

👉 En savoir plus sur le module LCB-FT de Kanta

Publié le
8/10/25
Anne-Sophie Mondin